...de la vidéosurveillance

Publié le par A2IE Cabinet Investigations IE Boillot

Une excellente publication.

 

"............La vidéosurveillance fonctionne-t-elle ?


Les études d’impact de la vidéosurveillance, bien qu’extrêmement nombreuses, ne permettent pas de conclure à son efficacité : alors qu’un certain nombre d’études suggèrent un effet positif (Tilley, 1993 ; Brown, 1995), d’autres parviennent au résultat opposé (Grandmaison, Tremblay, 1997). Une méta-analyse de 41 études d’impact (Welsh, Farrington, 2008), révèle que la vidéosurveillance réduit faiblement la délinquance mais que son efficacité est à nuancer en fonction des contextes écologiques et des types d’infractions considérés. La vidéosurveillance serait ainsi moins efficace dans les transports en commun ou les centres-villes que dans les parkings. Les diverses revues de littérature disponibles (Heilmann, Mornet, 2001 ; Le Goff, 2008) parviennent à des conclusions similaires.


Certaines études se sont plus spécifiquement intéressées aux effets sur le sentiment d’insécurité. Si plusieurs d’entre elles concluent à un impact de la vidéosurveillance (Chatterton, Frenz, 1994 ; Ditton, 2000), pour d’autres, la vidéosurveillance est sans effet sur le ressenti individuel (Webb, Laycock, 1992). À partir de douze enquêtes d’opinion réalisées dans le cadre d’une évaluation commanditée par le Home Office, Martin Gill et Angela Spriggs (2005)suggèrent que la crainte d’être victime est plus liée au niveau de délinquance qu’à la présence de caméras. D’une part, le sentiment d’insécurité a décliné dans les sept zones où la victimisation reportée a effectivement diminué. D’autre part, le fait de savoir qu’il y a des caméras ne réduit pas forcément le sentiment d’insécurité : les enquêtés conscients de la présence des caméras sont plus inquiets que ceux qui l’ignorent..................

 

......Une mise en évidence des dangers plus qu’une analyse des logiques de développement


Les surveillance studies proposent une approche critique des nouvelles techniques disponibles – dont la vidéosurveillance fait partie – en soulignant les effets pervers et les dangers d’une surveillance déployée à grande échelle dans la mesure où elle permet le contrôle des individus à distance (Lyon, 2005). La principale préoccupation de ce courant concerne donc les libertés individuelles, possiblement mises à mal par l’intensification de la surveillance : l’expansion de la vidéosurveillance est vue comme une étape supplémentaire franchie dans la remise en cause des libertés, en particulier à la suite des attentats du 11 septembre 2001 (Ericson, Haggerty, 2006).


Certains travaux relevant des surveillance studies tentent toutefois d’aller au delà de la dénonciation générale d’une atteinte à la liberté d’aller et venir et mettent en avant des dangers liés à l’usage de la vidéosurveillance pour dénoncer le modèle social sous-jacent au recours à la vidéosurveillance. Des études ont ainsi mis en évidence l’existence de pratiques discriminatoires et en tirent la conclusion que la vidéosurveillance serait délibérément employée pour surveiller certaines catégories de population. C’est ce que montrent Clive Norris et Gary Armstrong (1999a) suite à l’observation de trois centres de supervision de la vidéosurveillance en Angleterre. Ils ont examiné comment les opérateurs développent, avec la pratique, un ensemble de règles opérationnelles pour réduire la population générale à celle des suspects, ce qui les conduit de fait à exercer des pratiques de surveillance discriminatoires. Par exemple, le port d’une capuche ou d’une casquette est systématiquement interprété par les opérateurs comme la preuve d’une volonté d’échapper au regard des caméras, donc comme démontrant une intention criminelle. Les deux chercheurs calculent en outre que « les Noirs » ont entre 1,5 et 2,5 fois plus de chances d’être ciblés que ne le laisserait supposer leur pourcentage dans la population, contrairement aux femmes, une population vulnérable et pourtant largement délaissée par le regard de la caméra. En ciblant des catégories particulières de population, la vidéosurveillance renforce la coupure entre « inclus » et « exclus » ; en ce sens elle est au service d’un certain ordre social. Telle est la thèse à laquelle aboutissent un grand nombre de travaux. Ainsi, Roy Coleman et Joe Sim, qui ont étudié la mise en œuvre de la vidéosurveillance dans le centre de Liverpool, considèrent la vidéosurveillance comme l’un des aspects coercitifs du pouvoir, dirigés vers les insoumis à l’ordre néolibéral, autrement dit comme un outil utilisé pour imposer un nouvel ordre social (Coleman, Sim, 2000, 634). Au Pays de Galles, où ils ont étudié les dispositifs de deux petites villes (Aberystwyth et Cardigan), Katherine Williams et Craig Johnstone(2000)concluent à un malling (fractionnement) de l’espace public, et non à un panoptique au sens de Bentham, dans la mesure où les caméras sont le vecteur d’un « regard sélectif ». La vidéosurveillance produit donc des effets d’exclusion aussi bien dans les centres commerciaux (shopping malls) que dans l’espace public, avec toutefois d’importantes variations suivant les sites comme le montre une étude réalisée à Oslo (Lomell, 2004).


C’est donc plus en termes d’effets produits qu’en termes de logiques et de processus de développement que les surveillance studies apportent des éléments de validation empirique. Ce sont d’autres travaux, moins focalisés sur la dénonciation des risques de la vidéosurveillance, qui portent leur attention sur les processus de genèse et de diffusion des dispositifs de vidéosurveillance..............."

 

 

http://champpenal.revues.org/7931 

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